Rôle du gène HLA B27 dans l’expression de la spondylarthrite ankylosante : qu’en est-il exactement ?
Tout d’abord, la spondylarthrite est un rhumatisme inflammatoire chronique qui touche les articulations. La zone précisément touchée est l’enthèse : le point d’attache reliant l’os aux ligaments et aux tendons. On peut se les représenter comme des suspensions d’une voiture dont le but est d’amortir les chocs. Cette zone étant très vascularisée et innervée, quand elle est en inflammation, vous pouvez donc imaginer la douleur que suscite le moindre mouvement.
Cette pathologie est une maladie auto-immune, le système immunitaire de la personne atteinte dysfonctionne. En effet, au lieu d’être utilisé essentiellement pour se défendre contre un agent pathogène, le système immunitaire attaque ses propres tissus. Les causes ne sont pas connues, mais des facteurs favorisent son expression.
« 60 à 90% des personnes souffrant de spondylarthrite sont porteurs du gène HLA B27. Ce gène est présent chez 7 à 8 % des Français. Cependant, on peut porter ce gène et ne jamais présenter la maladie, ou à l’inverse, avoir la maladie sans posséder ce gène. »[1] Cette information étonnante soulève donc de nombreuses questions !
Avant de rentrer dans les détails, je vais définir quelques termes pour éviter tout malentendu.
L’A.D.N. est une longue molécule, en forme de double hélice, dont le rôle est de stocker notre information génétique dans le noyau de chaque cellule. C'est un véritable manuel de construction et d’entretien contenant toutes les informations nécessaires pour construire et faire fonctionner un organisme. Ainsi, chaque cellule sait quoi faire et comment se développer pour former un être vivant complet.
Un gène est un segment de l'A.D.N. On pourrait se le représenter comme étant une fiche technique spécifique du manuel « A.D.N. ». Chaque gène contient un code unique, servant d’instructions, pour produire une protéine spécifique, qui remplira un rôle précis dans le corps. La fonction principale d'un gène est donc de permettre la synthèse de protéines. Pourquoi les gènes ne codent-ils que pour la construction de protéines, me direz-vous ?? Eh bien, tout simplement parce qu’elles sont essentielles !
On peut simplifier les rôles des protéines en deux grandes catégories : structurelles et fonctionnelles.
Au niveau structurel, les protéines forment la "charpente" de l'organisme, comme le collagène dans la peau ou la kératine dans les cheveux et les ongles. Elles apportent force, soutien, rigidité et support aux cellules et tissus.
Mais les protéines ne se contentent pas d’être des éléments structurels, elles ont également des fonctions dynamiques dites "fonctionnelles," qui incluent tout un éventail d'actions.
Ainsi, sous forme d’enzymes, d’hormones ou d’anticorps… elles participent aux processus biochimiques ou servent de messagers. Elles jouent un rôle actif, rendant possibles ou accélérant les réactions chimiques dans le corps, transportant l’oxygène, facilitant la digestion, défendant l’organisme contre les infections et permettant la signalisation cellulaire.
On comprend donc pourquoi « tout ce qui est nécessaire au fonctionnement de notre organisme est inscrit dès l’origine dans le noyau de nos cellules. »[2]
Cela fait 50 ans que la relation entre le HLA B27 et la spondylarthrite a été établie
Pour l’anecdote, j’ai 50 ans cette année !
On est synchro !
Le fait que spondy ait largement occupé l’espace de mon corps en mode « coloc » pendant 15 ans a fait d’elle un sujet qui capte toute mon attention. Réaliser que de nombreux mystères subsistent à son sujet, même après 50 ans de recherche, m’intrigue profondément ! Car, je vous le rappelle, la cause de cette maladie reste inconnue, et les traitements visent surtout à atténuer les symptômes, sans offrir de véritable guérison.
L’élément souvent associé à la spondylarthrite, est le fameux gène HLA-B27. Dès que cette pathologie entre dans la conversation, le test HLA-B27 est presque toujours mentionné, comme si ce gène était le coupable !
« Tu as ce gène !!! Ce n’est vraiment pas de bol… »
« Ah bon ? Tu n’as pas le gène et tu as la spondylarthrite ? Ce n’est pas normal !! »
Face à ces remarques qui me semblaient erronées, j’ai voulu comprendre ce qu’il se jouait derrière ce gène. Je suis donc allée gratter pour en savoir un peu plus car contrairement à ce que sous entendent ces remarques, ce gène ne code pas pour la spondylarthrite. Les raccourcis ne nous mènent pas toujours au bon port !
Commençons par comprendre le rôle de ce gène[3]. Le gène HLA B27 code pour la protéine HLA B27. Positionnée à la surface des cellules, son rôle est de présenter des morceaux de microbes aux cellules du système immunitaire afin qu’elles défendent l'organisme contre le microbe ciblé.
Par exemple, si une cellule est infectée par un virus, des petits fragments protéiques issus de ce virus seront transportés à la surface cellulaire. Ces fragments, liés aux molécules HLA, permettront d’exposer le profil de l’agresseur aux cellules immunitaires. Cela déclenchera une réponse ciblée de l’immunité pour neutraliser cet intru.
Ce gène HLA B27 est donc une petite merveille indispensable,
nous assurant une immunité efficace !
Ce gène n’a aucune connotation négative, bien au contraire. Mais n’étant présent que chez 8% des Français… comment font les 92% de la population ? N’ayez crainte, il existe de nombreuses autres versions de gènes HLA, remplissant le même rôle de présentation du profil de l’agresseur. Donc tout va bien, personne n’est laissé de côté !
Malheureusement, comme l’expliquent les Pr Gill de Tajpal et James T. Rosenbaum, « bien que l’association entre le HLA B27 et la spondylarthrite soit connue depuis près de 50 ans, les mécanismes sous-jacents à la pathogénèse de la maladie sont insaisissables »[4]. Si ces professeurs internationaux n’ont pas élucidé le mécanisme, ce n’est pas moi qui vais le faire ! Par contre, j’ai tout de même voulu y voir un peu plus clair.
Pourquoi ce gène génère-t-il la spondylarthrite ?
Au fil des années, trois hypothèses ont été avancées pour expliquer cette association entre le HLA-B27 et la maladie : [5]
Première hypothèse :
Au lieu de montrer des fragments de microbes aux cellules immunitaires spécifiques appelées LT CD8+, la protéine HLA-B27 pourrait accidentellement afficher des fragments de protéines corporelles « normales » comme s’ils étaient dangereux. Elle alerterait le système immunitaire pour qu’il attaque nos propres tissus sains ! Le système immunitaire se tromperait alors et nous attaquerait. Mais, cette hypothèse reste controversée suite à des expériences sur des rats HLA B27 positifs pouvant développer une arthrite en l’absence totale de ces fameuses cellules LT CD8+.
Deuxième hypothèse :[6]
Lors de sa synthèse, la protéine HLA B27 serait mal pliée rendant sa fonction obsolète. Inutilisable, elle s’accumulerait dans la cellule ce qui provoquerait une alerte, puis un stress cellulaire activant une réaction inflammatoire et un système immunitaire hyperactif qui déborderait sur les tissus sains, typique des maladies auto-immunes.
Troisième hypothèse :
Cette protéine HLA B27 s’assemblerait en paire à la surface des cellules. Cette configuration serait considérée comme une anomalie par le système immunitaire qui enverrait illico presto les cellules tueuses NK pour éliminer ces cellules qui pourtant seraient saines !
Sollicitant le système immunitaire, ces 3 hypothèses génèrent de l’inflammation, car c’est son outil préféré pour accomplir sa mission ! Mais s’il s’emballe trop souvent, ça tourne à l’inflammation chronique.
Ces trois hypothèses sont très intéressantes, et largement développées sur de nombreux articles scientifiques mais elles n’abordent malheureusement pas l’origine de ces dysfonctionnements. Pourquoi la protéine HLA B27 part en vrille en présentant des fragments de nous-même comme étant un agresseur ? Pourquoi cette protéine se plie de travers ? Et pourquoi elle s’associe en paire à la surface des cellules ? Pourquoi ces anomalies sont présentes ? Quels facteurs provoqueraient ces dysfonctionnements ? Tant que l’on n’a pas décelé l’origine de ces dysfonctionnements, on reste sur notre faim…
Ceux qui sont porteurs de ce gène HLA B27, vous êtes un peu plus éclairés sur le sujet, mais pas moi ! N'ayant pas le gène HLA B27, mais ayant souffert d’une spondylarthrite pendant 15 ans, j’ai donc continué mes recherches. Ainsi j’ai trouvé un article fort intéressant qui m’a permis de comprendre le facteur déclenchant des maladies auto-immunes !!!
Ainsi, j’aborderai dans un prochain article : l’impact de l’inflammation chronique sur le système immunitaire et son lien avec l’expression des maladies auto-immunes, comme par exemple la spondylarthrite. À force de lire des articles pour élucider ces énigmes, j’ai découvert des pépites que je vous partagerai au fur et à mesure dans mon blog.
À bientôt dans une nouvelle chronique !
Dans mon livre, retrouvez l’intégralité de mon parcours
pour réduire au silence une spondylarthrite :
[1] Ameli.fr
[2] Connaissance du corps humain de G. Marchal aux éditions Épigones, 1994
[3] https://rmdopen.bmj.com/content/9/3/e003102
[4] https://www.frontiersin.org/journals/immunology/articles/10.3389/fimmu.2020.586494/full
[5] https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-509/concept-general-et-pathogenese-des-spondylarthropathies
[6] https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC3857088/